Chapitre 4 — Les mots qui masquent

Il y a des batailles que l’on perd avant même de les livrer, simplement parce qu’on a accepté les mots de l’adversaire.
Sur la fin de vie, c’est exactement ce qui est en train de se produire.

Le choix des mots n’est pas anodin.

Quand on veut faire accepter l’inacceptable, on commence par changer le vocabulaire :

  • On ne parle pas de « suicide », on parle de « mort choisie ».
  • On ne parle pas « d’abréger la vie », mais de « rendre la dignité ».
  • On ne parle pas de « provoquer la mort », mais « d’accompagner le dernier acte ».

Chaque mot est soigneusement poli, lavé de sa violence, vidé de son drame.
Ainsi, peu à peu, l’esprit s’habitue. La vigilance baisse. Le recul critique disparaît.

Exemple frappant :
Des termes tels que “accompagnement respectueux de la fin de vie” sont fréquemment utilisés dans les documents officiels en Belgique, où l’euthanasie est légale depuis plus de vingt ans.

Qui oserait refuser le respect ? Qui oserait dire non à l’accompagnement ?
Et pourtant, derrière ce joli écran de mots, c’est bien une logique d’accélération de la mort qui se met en place.

La même mécanique est à l’œuvre en France.

On parle de « liberté », alors qu’on masque une inégalité terrible entre ceux qui pourront choisir vraiment et ceux qui n’auront pas d’alternative.
On parle de « dignité », alors qu’on camoufle l’abandon des soins palliatifs depuis vingt-cinq ans.
On parle de « compassion », alors qu’on refuse de se battre pour donner aux plus vulnérables le droit de vivre jusqu’au bout dans de bonnes conditions.

Le poids des mots est tel que ceux qui alertent deviennent immédiatement suspects :

  • Réactionnaires.
  • Conservateurs.
  • Hostiles à la liberté individuelle.

Il devient presque impossible de poser une question simple :

Et si l’on mettait autant d’énergie à soigner qu’à légiférer sur le suicide assisté ?

Nous devons refuser cette confiscation du débat.

Refuser les euphémismes qui anesthésient la conscience collective.
Refuser que la fin de vie soit vendue comme un « progrès » alors qu’elle cache un terrible recul de civilisation : celui où la vie fragile cesse d’être sacrée, parce qu’elle devient coûteuse.