Chapitre 8 — L’ultime humiliation

Il y a des blessures qui ne se voient pas.
Des abandons qui ne crient pas.
Des injustices qui se cachent derrière des sourires convenus.

La légalisation de l’euthanasie, telle qu’elle s’annonce, porte en elle l’ultime humiliation : celle d’une société qui, faute de moyens, d’amour, de temps, finit par dire aux plus faibles :

« Tu coûtes trop cher. Il est temps de partir. »

Personne ne le dira en ces termes. Bien sûr que non.

On inventera des phrases douces :

  • « Nous respectons votre choix. »
  • « Nous vous accompagnons dans votre volonté. »
  • « Nous vous offrons une issue digne. »

Mais sous ces mots, il y aura l’aveu terrible :
Nous ne savons plus accompagner.
Nous ne savons plus soigner.
Nous ne savons plus aimer jusqu’au bout.

L’humiliation suprême, ce sera d’avoir fait croire à ces hommes et à ces femmes qu’ils étaient libres, alors qu’on leur aura juste supprimé les autres issues possibles.

L’humiliation suprême, ce sera d’avoir dissimulé la faillite de notre humanisme sous des mots sucrés.

Car un pays qui organise la mort pour éviter d’organiser les soins, ce n’est pas un pays libre.
Ce n’est pas un pays digne. C’est une société lasse, résignée, bureaucratisée.

Une société qui choisit d’éteindre ses vieux, ses malades, ses faibles, plutôt que de les entourer, est une société qui a perdu le sens de l’honneur.

L’ultime humiliation, ce sera celle des vivants.

Ceux qui verront, en filigrane, que l’État, au lieu de tendre la main, leur tend une seringue.
Ceux qui comprendront que leur valeur ne se mesure plus qu’en euros économisés.

Et qui n’auront même plus la force de protester.