Introduction

Cela finira mal.

Pas à cause d’une crise brutale, non.
Mais à cause d’un glissement silencieux, insidieux, presque accepté.

Dans les couloirs fatigués de nos hôpitaux, dans les chambres d’Ehpad aux murs défraîchis, une nouvelle normalité s’installe : celle du renoncement.
Aujourd’hui, une infirmière raconte à voix basse comment elle accompagne, jour après jour, des patients en fin de vie sans pouvoir leur offrir ce qu’ils mériteraient :
Davantage de psychologues et de visites régulières.
De la morphine, mais sans toujours la formation pour pouvoir bien l’ajuster.

Pendant que la vie s’effrite discrètement, loin des regards, ailleurs, sous les ors de la République, des députés, des sénateurs, des ministres, des experts planchent :
Comment légaliser plus vite le suicide assisté ?
Comment rendre l’euthanasie « acceptable » ?

On parle de « choix », de « dignité », de « liberté ultime ».

Mais on oublie de dire l’essentiel :
Quand il n’y a plus d’alternative, quand les soins disparaissent, le choix est un mirage.
Et les premières victimes seront toujours les mêmes : les gueux de la fin de vie.

Car cette illusion de liberté cache une réalité plus sombre.

Depuis vingt-cinq ans, nous avons méthodiquement détruit l’alternative.
Nous avons laissé les unités de soins palliatifs se développer insuffisamment et se fragiliser.
Nous avons abandonné les petites villes, les campagnes, les périphéries.
Nous avons laissé les malades et leurs familles lutter seuls, avec des bouts de ficelle, de la détresse et du courage.

Aujourd’hui, seuls ceux qui vivent dans les grandes métropoles, dans les quartiers bien dotés, peuvent espérer une fin de vie entourée, soignée, respectée.
Pour les autres, dans de trop nombreux cas, les perspectives sont plutôt solitude, angoisse, et bientôt, la seringue.

La légalisation du suicide assisté apparaîtra alors comme une évidence.

Non parce que les Français l’auront librement choisie.
Mais parce que nous aurons organisé l’absence de tout autre choix.

L’alternative aura été sabordée, la solution rapide aura été polie de mots doux et le consentement extorqué par le vide.

C’est à ce basculement que nous assistons aujourd’hui.

Pas un grand choc. Pas une révolution.

Un glissement discret, méthodique, avalisé par des médias compatissants, des figures publiques émues, des experts rassurants.

C’est à cette tromperie silencieuse qu’il faut résister.

Car une société qui prétend offrir la liberté de mourir, alors qu’elle n’offre plus la liberté de vivre dignement, est une société qui a déjà trahi ses plus fragiles.Et cette trahison, si nous n’y prenons garde, portera un nom dans l’Histoire : La dernière lâcheté.